Portrait de Cyril Poullain, ingénieur de recherche au CNRS

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Cyril Poullain

Cyril Poullain est ingénieur de recherche au CNRS. Découvrez son parcours en 10 questions.

1. Quel est votre parcours ?

Après une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), j’ai intégré une école d’ingénieur à Toulouse pour étudier la chimie. En dernière année, une thèse sur la valorisation des plantes médicinales à la Réunion a été proposée aux élèves en diplôme d’études approfondies (DEA). J’ai envoyé ma candidature qui a été acceptée et mon dossier a ensuite été soumis à l’école doctorale de l’Université de la Réunion avec, au final, l’obtention d’une allocation ministérielle de recherche. Suite à ma thèse, j’ai été attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) pendant 1 an, pour ensuite passer et réussir le concours d’ingénieur de recherche au CNRS à Nouméa. Je suis resté à ce poste pendant 8 ans au sein du laboratoire des plantes médicinales basé sur le campus de l’IRD. Aujourd’hui, je suis ingénieur de recherche au laboratoire de Chimie bio-inspirée et d’innovations Ecologiques (ChimEco) du CNRS à Nouméa, dans la valorisation des plantes hyperaccumulatrices de métaux pour en faire des catalyseurs chimiques (espèces chimiques qui augmentent la vitesse d'une réaction chimique).

 

2. Quels sont vos domaines de recherches actuels ?

L’unité dans laquelle je travaille (ChimEco) a réussi à faire rimer l’écologie et la chimie. Je me spécialise plus particulièrement dans les domaines de la physiologie végétale et de la chimie analytique, en m’intéressant principalement à l’adaptation des plantes accumulatrices de métaux sur les sols de la Nouvelle-Calédonie, dans l’optique d’en faire de bons catalyseurs chimiques.

 

3. Quel aspect considérez-vous comme le plus marquant de votre carrière ?

Lorsque je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie au laboratoire des plantes médicinales, j’ai pris la suite de Vincent Dumontet au CNRS. Cette rencontre m’a beaucoup appris dans le domaine de la botanique, mais également en phytochimie (chimie des végétaux) sur le terrain.

 

4. Quelles sont les applications de vos recherches ?

Une des applications est de donner une valorisation à la revégétalisation. Ce que ChimEco propose c’est un « après nickel », c’est-à-dire que les zones qui ne sont plus exploitées soient revégétalisées, entre autres avec des espèces accumulatrices de métaux. Ensuite, nous venons récolter les feuilles mortes de ces espèces qui sont naturellement chargées en métaux, pour les utiliser en laboratoire. La phytoextraction (processus naturel de concentration de certains éléments) permet ici de capter les métaux présents dans le sol ; ses « déchets » (les feuilles mortes) sont ensuite utilisés : c’est donc une démarche qui s’inscrit dans le développement durable.

Cette proposition reste un complément aux autres activités des établissements de recherche du CRESICA (IAC, IRD et UNC) qui œuvrent beaucoup sur ce sujet de la réhabilitation, dont les avantages sont nombreux et différents (stabilisation des sols…).

 

5. Le quotidien d’un ingénieur de recherche, c’est quoi au juste ?

Il n’y a pas vraiment de quotidien, je jongle entre la rédaction de rapports et d’articles scientifiques, du terrain pour suivre les plantations d’espèces accumulatrices et du laboratoire pour préparer les échantillons et effectuer des analyses.

 

6. Le moment où vous vous êtes dit : je veux faire de la recherche ?

Au collège, quand on commence les travaux pratiques de physique chimie. J’ai eu des bons professeurs dans ces matières et je me suis toujours dit que je ferai de la chimie. Faire des expériences, je trouvais ça intéressant et amusant.

 

7. Quelles sont vos plus belles réussites ?

Je peux en citer deux, dont ma participation à l’organisation du CIPAM, le Colloque International sur les Plantes Aromatiques et Médicinales en 2008 à Nouméa où j’ai grandement œuvré à son organisation.

J’ai également contribué à trois revues sur la phytochimie des plantes de Nouvelle-Calédonie, à l’initiative de Paul Coulerie, intitulées « New Caledonia hot spot for valuable chemodiversity »

 

8. Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un ingénieur de recherche?

Avant tout la patience, car l’étude de la chimie des plantes se base sur la croissance des plantes qui peut prendre un certain temps. L’obtention des résultats n’est donc pas immédiate.

Il faut aussi avoir cette capacité de vision et d’organisation sur 3-4 ans (c’est la durée moyenne d’un projet de recherche) et savoir rebondir, se remettre en question en fonction des résultats, parce qu’on n’est pas forcément les meilleurs ; d’où l’importance d’avoir les bons partenaires de recherche.

Une autre qualité est de développer son réseau, pour discuter et échanger afin de poser des questions. Même si la bibliographie est une source de donnée, certaines données ne sont pas publiées ou publiables et sont tout de même, des informations essentielles à aller chercher directement auprès des personnes.

 

9. Quelle place accordez-vous au hasard dans votre travail de recherche

Il n’y a vraiment pas beaucoup de hasard dans mon travail de recherche. Beaucoup de choses sont déjà connues par la bibliographie disponible (IRD, IAC, UNC…).

Par exemple, lorsque l’on s’intéresse à la toxicité du phosphore sur les racines protéoïdes (groupe de petites racines denses d’une durée de vie de 2 semaines), il n’y a pas de chance ou de hasard, on cherche une quantité de phosphore à partir de laquelle les racines périssent.

Le hasard intervient uniquement selon les affinités que l’on développe pendant les colloques ou les programmes de recherche. Pour ma part, je m’intéresse particulièrement aux travaux d’Antony van der Ent que j’ai rencontré lors du séminaire sur le phytomining (l'exploitation de métaux au moyen de plantes) à Brisbane en 2014. Cela me permet d’être à l’affût de nouveautés.

 

10. Quelle est, pour vous, la découverte majeure qui a pu influer sur l’histoire de la science et de l’humanité ?

Sans être une découverte, je dirais que la création des normes de rejet et des limites de toxicité a largement modifié l’histoire de la science et nos habitudes de vie. A une certaine époque, aucune norme de rejets n’était en place. Ainsi nous rejetions dans l’environnement des produits dangereux pour la santé humaine, qui détruisaient également le milieu récepteur ainsi que la faune et la flore environnante. Connaître les limites de toxicité de certaines substances a permis de mettre en place des limites de toxicité, à la fois pour l’Homme et pour l’environnement, ce qui a permis de considérablement réduire la dangerosité des rejets.